dimanche 7 octobre 2012

Il est une fois une haie...


Soit une haie de hêtre qui fut plantée le temps d'un été, et maintenant ça y-est on peut en parler au présent. La haie de hêtre se dresse fièrement, grossièrement alignée, nous protégeant du vent, de la pluie, du soleil, voire de la vue des regards indiscrets mais ça ne l'empêche pas malgré tout d'avoir ses états d'âme.

Ah ? l'âme du hêtre végétal, telle l'âme de l'être humain, alors ?!

La haie est ce qu'elle est, oui, mais surtout… cette haie hait ce qu'elle est !! (de là à dire qu'elle est ce qu'elle hait...)
Angoisse essentielle (existentielle ?), problème d'estime de bois (de soi ?), c'est que la haie qui se hait n'a pas choisi son essence…
A se détester à ce point, aurait-elle préféré ne pas être de hêtre ? …pour à la place être…
une haie de quoi alors ?

de bambou ? mais c'est à se prendre des coups ça !

de peupliers ? encore faut-il supporter la popularité (vu l'envergure d'un peuplier, c'est le genre de haie à ne point pouvoir vivre cachée).

de saules ? pour peu qu'ils soient pleureurs, la pauvre haie ne rigolerait pas tous les jours...


d'osier ? si seulement j'os... oups !! (ndlr: non, vous voyez, l'auteur n'a même pas osé)

de châtaigniers ? (alors il serait bien de mettre les riverains au courant... pour les châtaignes...)

d'araucaria ? certes, ça ne manquerait pas de piquant, mais ça ferait aussi le désespoir des singes !

de houx ? « hou ! hou ! » (houlà ! mauvaise suggestion on dirait...)

de bouleaux ? mouais, là ça branche pas tellement le pépiniériste-paysagiste : « ppfffff!!! vous vous rendez pas compte m'sieur dame, le boulot qu' c'est à mettre en place ! »

de cyprès ? vu de loin si le terrain s'y prête pourquoi pas (à condition qu'elle ne soit pas plantée trop près).

Toute haie ne peut pas non plus avoir l'honneur d'être de lauriers !

Une haie de sapin qui sent le sapin peut être proche de sa fin...

Et je connais une haie de chêne éprise de liberté qui ne parvint jamais à se défaire de ses chênes (eh oui, condamnée à rester glander sur place !).

Finalement j'ai beau dire à la haie de hêtre qu'elle est bien comme elle est mais rien n'y fait, bien que son bois soit tendre elle ne veut rien entendre, elle est vraiment dure de la feuille.
Et avec un petit changement d'apparence, ça n'irait pas mieux ? (...c'est à dire ?)
Quitte à être de hêtre, autant bien paraître : arborer un nouveau "look" afin de ne plus s'abhorrer !!
Hop, un petit tour chez le 'boisfeur', la haie de côté, avec un élagage discret (ou un petit taillage de haie), ça peut le faire, non ?   ( "désolé Mme La Haie, là ça va pas hêtre possible, pour la couleur faudra attendre l'automne" )     Mmhhh... non... vraiment ? bon…

Alors l'ultime solution pour guérir de ce mal-hêtre serait peut-être que la haie change de statut ou d'envergure, qu'elle ne soit plus une haie mais plus qu'une haie, que d'autres arbres poussent à ses pieds et qu'elle devienne une haie plus forte (une "fort-haie", quoi !). Jusqu'au jour où l'on pourra dire enfin en parlant de cette haie de hêtre :

« voyez la forêt comment elle est à présent, il fut un temps où elle fut haie, maintenant c'est une futaie !! »


Et tout au bout de la haie, alors que je referme les trois volets en hêtre de la Trilogie de l'Être je m'apprête à quitter et laisse en guise de conclusion de quoi méditer avec ce proverbe de bûcheron :

 « Il suffit de tailler le "H" d'un hêtre à la hache, pour que ce hêtre devienne à la fois un hêtre à part, et un être à part entière »